Najat Vallaud-Belkacem
Najat Vallaud-Belkacem
Cette année marque le 25e anniversaire du processus de Barcelone, et l’occasion de célébrer la coopération régionale et multilatérale. Mais c’est aussi l’heure de réinterroger nos objectifs – nationaux, régionaux, internationaux, à l’heure où la pandémie du Covid-19 bouscule nos certitudes les plus ancrées. De précieux enseignements surviennent de cette période douloureuse : la menace d’une résurgence fait craindre que nous ne soyons en sécurité que lorsque nous le serons toutes et tous. Ce virus ne connaît pas de frontière, et la solidarité et la coopération internationales ne devraient pas en avoir non plus. Le multilatéralisme est donc plus que jamais nécessaire, mais il ne doit pas faire l’économie de se réinventer : les coopérations Nord-Sud devraient être renforcées, en assurant un pied d’égalité aux pays en développement et en élevant les voix africaines. Le multilatéralisme doit être équipé d’une vision et d’une mission solides. Santé, égalité femmes-hommes, lutte contre la corruption et contre le changement climatique sont autant de pistes pour le partenariat Euromed et l’Union pour la Méditerranée de demain que pour le multilatéralisme et le monde que nous souhaitons construire ensemble.
L’importance de l’investissement dans les services publics et le renforcement des systèmes de santé sont des piqûres de rappel coûteuses, mais aussi un héritage majeur pour l’après-Covid. La recherche nous avait prévenus sur le risque d’épidémies, et même équipé d’outils restés sous utilisés. Avec pour preuve le Règlement sanitaire international : en 2005, suite à l’épidémie meurtrière du Sars, 196 pays s’engagent à se préparer à détecter, communiquer et répondre aux futures menaces sanitaires.
Aujourd’hui, aucun pays ne respecte complètement ce règlement, et les pays à faible revenu accusent le plus de retard. La crise du Covid-19 nous enseigne encore une fois que la prévention est et restera toujours plus efficace et moins coûteuse en vies humaines et en ressources que la politique de l’urgence.
Au-delà des secteurs essentiels rappelés par la pandémie, il y a les travailleurs essentiels – où devrais-je dire, ici, les travailleuses. Les femmes sont en première ligne dans le combat contre le virus, comme en témoigne d’ailleurs le cas français, avec plus de 90% de femmes dans les métiers d’aides-soignantes, de personnel d’Ehpad, de caissières et d’aides à domicile. Ces métiers du care reposent la question de l’asymétrie entre la valeur sociale du travail et leur valorisation sociale et financière.
Les femmes restent par ailleurs très peu représentées dans les postes de décision durant la crise, et n’ont pas voix égale au chapitre pour un avenir qui les concerne tout autant. Le Forum Génération Egalité, sous l’égide franco-mexicaine et reporté à 2021, est un appel aux féministes du monde entier, et pourrait être l’occasion de faire naître des synergies en région euro-méditerranéenne. La revalorisation des métiers du care, l’inclusion d’un volet relatif à l’égalité femmes-hommes dans les négociations internationales (on ne peut plus se permettre des politiques publiques aveugles à la question du genre), ainsi qu’un mécanisme de redevabilité chargé du suivi des engagements et des avancées sur l’égalité femmes-hommes sont autant de questions à investir pour le Partenariat, et dont le Forum féministe l’an prochain pourrait se faire le porte-voix.
Un autre chantier incontournable : le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité sont, on l’a vu, étroitement liés au développement d’épidémies. Il faut tirer les mêmes conclusions pour la santé que pour le climat : l’heure d’agir est avant les crises. Le respect des accords de Paris et de principes de justice climatique doit trouver une centralité dans les fora internationaux, à commencer par l’euro-méditerranéen.
L’épineuse question des financements de ces politiques ambitieuses peut trouver un double ancrage : la lutte contre les flux financiers illicites et la corruption, qui engloutissent des milliards chaque année, mais aussi la mobilisation autour de financements solidaires. Un bon exemple est celui de la taxe sur les transactions financières en France, dont une partie des revenus est affectée à l’aide au développement, dans un effort de corriger les effets néfastes de la mondialisation.
Santé, égalité femmes-hommes, climat et financements innovants : la liste n’est pas exhaustive, mais cette nouvelle décennie pourrait être celle où le partenariat euro-méditerranéen, mais aussi le multilatéralisme sous ses autres formes, se saisissent de ces sujets pour en faire des boussoles pour l’avenir.