Mohamed Boudra
Mohamed Boudra
La Méditerranée n’est pas immune aux défis auxquels est confrontée la planète dans son ensemble ; bien au contraire, nous voyons ces défis aggravés dans nos villes et dans la mer que nous avons en commun.
Mais la Méditerranée est sans aucun doute a la croisée de chemins.
Tout d’abord, la population méditerranéenne a connu un taux de croissance de 20 % entre 1970 et 2018. Ce taux de croissance démographique implique inévitablement un taux d’urbanisation tres élevée, car les 22 pays riverains regroupent aujourd’hui plus de 500 millions de personnes, dont deux tiers vivent dans les villes.
Ensuite, car les conflits armés dans certains pays de la région ont de graves conséquences pour les villes sur le plan social, environnemental et économique, et posent des défis considérables pour toute tentative d’aménagement durable.
Jusqu’a présent, les stratégies mises en oeuvre dans la région peinent a s’ adapter a la situation engendrée par la forte croissance de la population. 11 en résulte un étalement urbain incontrôlé, prenant notamment la forme d’implantations informelles, phénomène qui va de pair avec des problèmes de dégradation, parfois de paupérisation et d’ absence de prestation de services.
Les processus d’urbanisation rapide ne doivent pas laisser de coté les groupes vulnérables. L’ extreme inégalité des revenus menace la cohésion sociale et le développement durable a venir. Notre région est celle qui engendre le plus fort écart entre les plus riches et les pauvres.
La gestion des flux migratoires a la porte d’entrée de l’Europe doit nous faire repenser la fa9on dont nous traitons la migration, mais aussi réfléchir a nos relations et a notre territoire commun, par le biais d’une approche des droits humains.
La Méditerranée est justement cet espace ou l ‘Histoire montre que les avantages des migrations, des échanges interculturels et du progres socio¬économique ne sont possibles que par l’inclusion et la cohésion sociale, et les collectivités locales régionales ont un role crucial a jouer dans la construction de sociétés inclusives et pluralistes, non seulement en catalysant le dialogue, mais aussi en garantissant l’accès aux services de base et en encourageant des politiques d’accueil pour les nouveaux venus.
Nous sommes a un moment de l’Histoire ou nous devons concevoir notre région comme un espace pourvu d’opportunités et qui nous permette de définir un nouveau récit et de nouvelles solutions pour la migration.
Les défis de la rive Nord et de la rive Sud sont communs ; et ces défis ne connaissent pas de frontières. La différence réside dans les moyens disponibles pour les affronter. Dans un contexte d’augmentation des températures, d’ extinction des espèces, et de risque généralisé pour la biodiversité, il est important que taus les acteurs concernés s’ engagent a protéger cette source de richesse qu’est la Méditerranée. Nous devons réaliser une véritable transition écologique, nous devons travailler pour maintenir l’augmentation des températures en-dessous de 1,5° C, et nous devons travailler pour nous adapter et transformer nos habitudes.
Pour réaliser tous ces objectifs, il est primordial de changer le paradigme de la coopération dans la région.
Les príncipes énoncés dans la Déclaration de Barcelone sont fondateurs. Ses objectifs de dialogue entre différents acteurs, de respect des droits et des libertés, sa volonté de résoudre les conflits de façon pacifique, et de coopérer pour résoudre ensemble les problèmes communs, sont toujours d’ actualité.
En tant que maire d’une ville intermédiaire au Maroc, président d’une association nationale de collectivités locales, et président de l’ organisation mondiale des villes et des régions, je erais en la nécessité de consolider le dialogue politique, la coopération économique et le dialogue social et culture!, non seulement entre pays de la région euro-méditerranéenne, mais aussi a travers de la coopération décentralisée entre villes et entre différents acteurs, y compris la société civile, et aussi un dialogue franc entre l ‘Etat central et les gouvernements locaux et régionaux.
C ‘est la seule fa9on de dépasser les doutes qui assaillent l’ approche multilatérale, de consolider les processus de décentralisation dans la région, et de renforcer réellement la Méditerranée.
Depuis mes différentes fonctions, je n’ai cessé de demander l’adoption d ‘une approche multipartite, a laque lle seraient associées toutes les parties prenantes en matiere de planification urbaine.
Pour ce faire, il est nécessaire d’apporter a nos relations une dimension territoriale qui soit réellement tangible, qui rende réelle l’idée d’une « Union pour la Méditerranée » pensée depuis l’ échelle local e, depuis les spheres de gouvernement les plus proches des citoyens et des citoyennes.
Les voix et les points de vue locaux doivent occuper un espace différent dans les débats et dans la gouvernance.
La « coopération » est un concept qui reste encare trap technique. Echanger des bonnes pratiques, travailler de fa9on décentralisée, apprendre entre pairs est certes vital, mais le concept de coopération doit prendre un nouveau sens.
Le dialogue local-national, et le dialogue transfrontalier sont essentiels. Notre mouvement entende la localisation des agendas comme la fa9on de garantir leur bonne réalisation, et de placer la sphere locale au coeur meme de l’ élaboration de politiques.
Pour que cette localisation ait lieu de maniere tangible, il est indispensable d’inverser le systeme de gouvernance multi niveaux, pour qu’il commence par le bas et englobe toutes les spheres de gouvernement comme faisant partie d’un seul engrenage.
La « coopération », telle que nous l’entendons dans les différentes instances que je représente, inclut l’adoption d’un nouveau concept de citoyenneté. La « coopération » passe aussi par l’encouragement d’un dialogue entre les communautés locales de la région méditerranéenne, afin de renforcer la diplomatie entre villes.
Depuis mes différentes fonctions, la démocratie locale constitue la base du développement et du renforcement de la paix dans la région, de la prospérité et de la solidarité.
Nous nous trouvons maintenant face au défi de renouveler l’agenda pour la Méditerranée, avec les villes intermédiaires et la solidarité comme axe de transformation.