Mohamed Lessir
Mohamed Lessir
La pandémie qui s’abat sur le monde a des effets encore plus dévastateurs dans la région. Les années de guerre, les économies sinistrées, l’occupation indéfinie des territoires et les bouleversements induits par l’instabilité politique appellent une responsabilité collective, et d’abord du voisinage, pour réorienter les ressources de la région au service du redressement. Comment faire face aux lendemains incertains de la pandémie, sinon en resserrant les rangs ?
Y aurait-il quelque espoir dans l’ordre mondial qui a veillé à ce jour à maintenir la paix et la sécurité internationale ? L’Euro Méditerranée reste dans notre région un pilier sûr. Nous avons d’emblée partagé la vision du partenariat Euro Méditerranéen et vérifié que l’Union Européenne était constante, fondée sur une culture historique profonde, et résolue à édifier un espace qui soit plus qu’un marché, qui soit une région commune de paix et de prospérité. Trois impératifs sont désormais essentiels : l’esprit de solidarité à l’appui de la stratégie de Partenariat et de la Politique de Voisinage ; d’autre part, cultiver les complémentarités au sein de la région ; enfin, une conception commune de la paix et de la sécurité.
Si l’Europe dresse un plan de relance économique post-pandémie, la Méditerranée ne saurait être ignorée ni marginalisée dans cette stratégie. D’autre part, la région sera mieux intégrée, plus compétitive et plus sûre en puisant dans ses propres complémentarités, en fait d’emplois, de ressources humaines et d’échanges et en fait d’investissements à caractère stratégique, quand la délocalisation dicte le redéploiement des structures de production et de services.
Enfin, la recherche de la paix ne saurait tenir au seul rituel diplomatique, elle doit aussi tenir à la substance même des concepts. Quelle paix admet l’acquisition de territoire par la force ? Quelle démocratie revendique un régime de discrimination ? Quelle sécurité tiendrait avec une occupation indéfinie ? La paix repose sur le respect égal des peuples, de leurs droits et de leurs obligations. Si elle passe par la négociation, la négociation à son tour requiert le respect réciproque : elle exclut l’intimidation, la violence et le terrorisme d’Etat.
A notre sens, trois grandes priorités fixent l’avenir de l’Euro Méditerranée.
La paix se pose en priorité centrale. La Méditerranée orientale pourra aspirer à la paix avec un règlement juste et durable du conflit israélo palestinien. La perpétuation de ce conflit n’est pas une fatalité. L’attentisme est loin d’être un gage de paix.
L’Europe a vocation à promouvoir la démocratie, le respect des droits de l’homme et la suprématie des valeurs. En ce sens, la Charte européenne et la Déclaration de Barcelone constituent un engagement très clair. En Tunisie, la percée démocratique a pris appui sur le processus de libéralisation induit par l’Accord d’Association.. Dans la logique d’une région qui aspire à la démocratie et qui l’exige, il est souhaitable de poser un statut différencié et défini de ‘Transition Démocratique’ qui assure et accompagne la transition et qui la prémunisse contre les risques de régression. Un tel statut sera incitatif.
L’Europe et la Méditerranée, érigée en priorité centrale, partagent un destin commun. Si les pays du Pacte de Varsovie ont finalement endossé le libéralisme économique et politique et unifié ainsi le théâtre européen, les partenaires méditerranéens se sont engagés sur la même voie. La Révolution démocratique tunisienne ouvre la voie à un dépassement historique digne d’être soutenu dans son élan en Tunisie même, mais aussi chez l’ensemble des partenaires méditerranéens, parce qu’il contribue à son tour à unifier le théâtre Euro Méditerranéen. La défaillance de l’ordre mondial peut être surmontée dans l’édification de l’ordre régional qui nous concerne.
Enfin, la Méditerranée a vocation à constituer le champ de la relation apaisée entre la chrétienté, l’islam et le judaïsme. Les lumières qui, dans le temps, ont éclairé tour à tour les trois communautés, trouvent dans l’expérience et la vision de l’Europe de nos jours le répondant le plus sûr pour les concilier et ménager les voies du destin commun.
En tant que partenaires, nous avons foi dans notre destin commun et dans les valeurs qui fondent notre engagement au service des buts et principes de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration de Barcelone.