Maria Snoussi : la solidarité entre les peuples est la seule voie possible
Une femme et une étrangère à la tête de l’Institut national de recherche pour le développement durable (IRD) de France. C’est une première pour l’IRD, et Maria Snoussi incarne ce changement. Cette spécialiste marocaine de l’environnement est convaincue que seules la solidarité et la collaboration permettront à la Méditerranée de faire face aux effets du changement climatique.
Maria Snoussi est géo scientifique côtière. À ce titre, elle connaît les côtes méditerranéennes de son pays comme sa poche. Au cours de ses études, puis de sa vie professionnelle, elle a parcouru la région et le reste du monde pour en savoir plus sur le changement climatique et ses effets sur la vie humaine. Aujourd’hui, à la tête de l’IRD, elle mène des recherches sur la science de la durabilité dans les régions intertropicales et méditerranéennes. C’est tout à fait extraordinaire, compte tenu de la sous-représentation des femmes dans les sciences, où moins d’un tiers des chercheurs dans le monde sont des femmes.
On peut se demander ce qu’il faut à une femme et à une étrangère pour se retrouver à la tête d’une telle institution. Engager une conversation avec elle pourrait vous donner quelques indices : assise sur une chaise, sa posture est à la fois élégante et décontractée. Maria Snoussi vous regarde droit dans les yeux, avec toujours une étincelle d’amusement dans le regard. Mais surtout, elle est passionnée par son travail et par la manière de le mettre à la portée des gens.
Pour la chercheuse, la communication autour du changement climatique et environnemental est essentielle pour éduquer les dirigeants et les aider à faire des choix éclairés qui auront un impact sur la vie des citoyens. Snoussi déclare :
“Nous devons informer et éclairer l’opinion publique en utilisant des sciences solides, y compris les sciences sociales et humaines, mais aussi les connaissances locales et traditionnelles”.
La région natale de Maria Snoussi est l’une des plus vulnérables au changement climatique. “Nous sommes confrontés à un cocktail de défis mondiaux : le réchauffement de la planète, l’acidification de l’eau, la perte accélérée de la biodiversité”. La scientifique souligne que les pays méditerranéens doivent relever ces défis en tant que région et aller au-delà des politiques nationales.
“Lorsqu’il s’agit de défis régionaux et mondiaux, les pays ne pourront pas y répondre individuellement. Il est important d’avoir une vision commune et partagée”. Cependant, son discours est posé, tout comme son langage corporel lorsqu’elle parle. Elle voit le monde à travers des lentilles claires et semble comprendre que les réponses à nos défis pourraient se trouver dans le juste milieu. “En même temps, il est nécessaire de construire des visions nationales et locales qui correspondent aux communautés et aux décideurs. La coopération décentralisée entre les régions méditerranéennes permet de construire et de développer des connaissances et des pratiques communes.
Outre son rôle à l’IRD, la chercheuse marocaine fait partie du Réseau méditerranéen d’experts sur le changement climatique et environnemental (MedECC, de son acronyme anglais), à l’origine du premier rapport scientifique sur le changement climatique et environnemental en Méditerranée. Ce rapport est le fruit de l’engagement politique de l’UpM et de ses États membres, qui ont souligné la nécessité de disposer de davantage de données scientifiques sur le changement climatique en Méditerranée et qui ont soutenu la création du réseau MedECC en 2015.
“Il s’agit d’un réseau d’experts sur le changement climatique et l’environnement en Méditerranée. Nous sommes 600 scientifiques et nous venons de 35 pays différents”.
Les travaux menés par ce réseau ont abouti, entre autres, au tout premier rapport scientifique régional sur les impacts du changement climatique et environnemental en Méditerranée, dont les conclusions alarmantes confirment nos intuitions sur la situation de la région. Maria Snoussi a codirigé les recherches menées dans le cadre de cette étude et son expertise lui a valu des prix et un siège à diverses tables, de l’université de Rabat au comité de la CIESM sur les systèmes côtiers.
L’experte côtière chérit sa région et est convaincue que les pays, les villes et les cultures s’uniront de la manière la plus constructive qui soit. “Tous les pays méditerranéens connaissent des changements démographiques, sociaux, culturels, économiques et écologiques rapides. Mais il existe une forte volonté des deux côtés de la Méditerranée, chacun à son niveau, de construire ensemble une Méditerranée saine, stable et prospère”.