Une collaboration euro-méditerranéenne plus efficace en matière de protection civile est nécessaire pour protéger les vies humaines
Par Nasser Kamel, Secrétaire Général de l’Union pour la Méditerranée.
Published by EU Today, Aujourd’hui le Maroc, An-Nahar, Ad-Dustour, Assabah, Almasry Alyoum.
L’été 2023 restera dans les mémoires comme celui des extrêmes des deux côtés de la Méditerranée : tempêtes, sécheresse, vagues de chaleur, incendies de forêt et tremblements de terre. Alors que la Croatie, l’Italie et l’Algérie ont dû faire face à des crues soudaines, le déficit historique de pluie en Espagne s’est fait cruellement ressentir, des incendies ont ravagé la Tunisie et la mer Méditerranée a battu un nouveau record de température. Le Maroc a également connu son plus grand tremblement de terre depuis plus de 100 ans, quelques mois seulement après que de violentes secousses aient ébranlé la Turquie et la Syrie.
Pourtant, bien que les catastrophes naturelles soient un phénomène récurrent dans la région, des signes encourageants de résilience ont été observés grâce à la collaboration transfrontalière. Lorsque des inondations dévastatrices se sont abattues sur les deux tiers du territoire slovène en août dernier, le mécanisme européen de protection civile, le centre de coordination de la réaction d’urgence, a envoyé des excavateurs, des hélicoptères et du personnel de secours de sept pays, tandis que l’OTAN a fourni une aide matérielle et humaine supplémentaire. Lorsque des centaines d’incendies – dont le plus important jamais enregistré dans l’UE – ont ravagé la Grèce et Chypre, les pays voisins (Israël, Liban, Jordanie et Égypte) se sont rapidement mobilisés pour apporter leur aide. Et lorsque la Libye a été frappée par la tempête Daniel, des équipes de secours algériennes, tunisiennes, égyptiennes et palestiniennes ont été déployées sur place.
Un nombre croissant de ces phénomènes extrêmes sont attribués au changement climatique, un défi particulièrement prégnant en Méditerranée, probablement plus que nulle part ailleurs dans le monde. Comme l’ont démontré les experts du réseau international de recherche MedECC, soutenu par l’Union pour la Méditerranée (UpM), la région se réchauffe à un rythme de 20 % supérieur à la moyenne mondiale, ce qui signifie qu’environ 250 millions de ses habitants devraient être « pauvres en eau » dans les 20 ans à venir. Malheureusement, ce constat confirme la nécessité d’agir sans délai, avant que les dévastations causées par des conditions météorologiques extrêmes ne deviennent encore plus fréquentes.
Les catastrophes naturelles, souvent exacerbées par le changement climatique, ne connaissent pas de frontières. C’est pourquoi il est essentiel que la région euro-méditerranéenne prenne des mesures pour concrétiser les efforts de coordination et de collaboration en matière de protection civile. Combiner efficacement les capacités est essentiel pour anticiper les catastrophes grâce à des systèmes d’alerte précoce et répondre aux défis qui nous attendent de manière collaborative et organisée. Cette approche constitue le meilleur moyen d’optimiser les ressources et de protéger les citoyens, afin que personne ne soit laissé pour compte lorsqu’une catastrophe se produit.
Des progrès dans ce domaine ont été réalisés ces derniers mois, notamment dans le cadre du programme de « Prévention, préparation et réponse face aux désastres naturels et d’origine humaine dans les pays du voisinage sud de l’UE – PPRD Méditerranée » soutenu par l’UpM et lancé par la Commission européenne en juin dernier à Rome à la suite des inondations meurtrières qui ont frappé la région d’Émilie-Romagne. Bien que ce programme ambitieux cherche à renforcer les partenariats à travers la région euro-méditerranéenne, l’Union pour la Méditerranée estime qu’il est absolument impératif que nous redoublions d’efforts.
Nous proposons donc la création d’un cadre méditerranéen de protection civile afin de mieux coordonner l’assistance transfrontalière en cas de catastrophe naturelle. Il s’agirait d’une association de pays euro-méditerranéens du nord et du sud, véritable extension territoriale et institutionnelle du mécanisme de protection civile de l’Union. L’UpM est un fervent partisan de la constitution d’un nouveau cadre volontaire mis en œuvre conjointement par tous les acteurs et les instruments en vigueur, y compris l’UpM et ses États membres. Cet espace permanent d’échange sur la prévention, la préparation et la réponse fournirait donc une plateforme d’assistance mutuelle et de réponse rapide en cas d’urgence.
La quatrième réunion de l’UpM des directeurs généraux de la protection civile d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient se tiendra les 18 et 19 octobre à Valence pour aborder la logistique de la mise en commun et du partage des ressources, en soulignant l’importance d’œuvrer dans ce sens le plus tôt possible. À cet effet, les participants débattront d’un plan d’action dont l’objectif final est de doter les autorités de protection civile euro-méditerranéennes d’une aide précieuse en matière d’évaluation des risques, de systèmes d’alerte précoce, d’imagerie satellitaire, de renforcement des capacités, de formation et d’exercices conjoints, de coordination et de coopération en matière d’intervention d’urgence, tout en promouvant les bonnes pratiques et un organisme d’observation du volontariat.
Les catastrophes naturelles qui ont dévasté la région cet été sont une preuve plus que suffisante de la nécessité d’ouvrir une nouvelle ère de gouvernance euro-méditerranéenne. Une meilleure intégration et un meilleur partage des ressources nous permettront sans aucun doute de renforcer notre capacité d’adaptation au changement climatique et aux autres risques émergents, tout en optimisant notre réponse face aux situations d’urgence.
La conclusion est simple : si nous avons la capacité d’agir et de protéger davantage de vies ensemble, en unissant nos forces, nous devons le faire sans plus attendre.
Nasser Kamel
Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UpM)