
Aïda Kandil redéfinit les règles du marché : transformer les artisans traditionnels en entrepreneurs du numérique
Au printemps 2020, alors que le monde entier fermait ses marchés et suspendait le commerce physique, Aïda Kandil ouvrait une nouvelle voie : celle de l’économie numérique pour les artisans marocains. Mais il ne s’agissait pas simplement d’une boutique en ligne — c’était l’émergence d’un nouveau modèle de marché, ancré dans l’héritage culturel et pensé depuis le Maroc pour rayonner à l’échelle mondiale.
Diplômée en gestion stratégique et marketing de l’Université McGill, et forte de près de dix ans d’expérience en marketing digital, Aïda a lancé myTindy, une plateforme qui connecte aujourd’hui plus de 2 000 artisans marocains à des clients répartis dans plus de 40 pays. En 2024, elle a reçu le Prix ARLEM pour le jeune entrepreneuriat local en Méditerranée, soutenu par l’Union pour la Méditerranée, en reconnaissance de son engagement en faveur d’une croissance inclusive et de la valorisation du patrimoine culturel.
Le projet myTindy repose sur deux convictions fondamentales : les artisans doivent être traités comme des partenaires à part entière, et la technologie doit faciliter l’inclusion, non créer de nouvelles barrières.
Contrairement aux modèles classiques de commerce en ligne, dominés par des intermédiaires qui captent la valeur ajoutée, myTindy ne revend pas les produits. Chaque artisan signe un partenariat transparent, qui lui garantit un contrôle total sur les prix, les fiches produits et les données de vente. La plateforme applique uniquement une commission claire et prédéfinie, destinée à couvrir les frais de marketing et de fonctionnement.
La technologie, et notamment l’intelligence artificielle, joue un rôle clé dans ce modèle. Comme l’explique Aïda :
« L’IA a été déterminante pour notre développement, car elle nous a permis d’atteindre des artisans jusque-là inaccessibles — des personnes analphabètes ou peu familières avec les outils numériques. »
Grâce à des outils simplifiés de gestion des produits, alimentés par l’IA, les artisans — quels que soient leur parcours scolaire ou leur maîtrise des technologies — peuvent aujourd’hui intégrer l’économie numérique à leur rythme et selon leurs propres termes.
Mais l’action d’Aïda va bien au-delà de myTindy. Depuis juillet 2024, elle est responsable de l’autonomisation chez Women in Tech Morocco, où elle pilote des programmes visant à réduire les inégalités femmes-hommes dans le secteur technologique. Mentorat, formation, développement du leadership : elle accompagne les femmes à travers le Maroc, et au-delà, pour leur ouvrir les portes des métiers des STEM et de l’entrepreneuriat. Sa vision est claire :
« L’autonomisation est un chemin partagé », affirme-t-elle, « un processus d’apprentissage mutuel fondé sur la confiance. »
Préserver la mémoire, en version numérique
Ce qui distingue myTindy, ce n’est pas seulement ce qui y est vendu, mais ce qui y est sauvegardé. Chaque objet fait main raconte une histoire, incarne une mémoire collective qu’il convient de transmettre.
« La plateforme participe à la préservation de notre patrimoine, et met en lumière ces artisans souvent relégués dans l’ombre », souligne Aïda.
Interrogée sur ses ambitions, elle ne parle ni de chiffres d’affaires, ni de levées de fonds. Ce qu’elle souhaite, c’est faire de myTindy « la référence numérique des artisans du monde arabe », un espace où l’on peut partager son savoir-faire avec le monde, sans quitter sa communauté, ni renoncer à son identité.
Ce qui a commencé comme une réponse à une crise mondiale est aujourd’hui devenu un modèle de commerce inclusif. À travers myTindy, Aïda Kandil ne bâtit pas simplement une entreprise, mais un véritable mouvement. Un mouvement qui redonne leur place à ceux qu’on laisse trop souvent en marge, qui redéfinit la réussite, et qui restaure la dignité par le design, la culture et le code.
Chaque pièce vendue porte en elle bien plus qu’un motif marocain : elle est le signe d’une renaissance. Une nouvelle mise en lumière — portée par une plateforme, et menée par Aïda.
Publié le 30 avril 2025.