Le leadership des femmes: un moteur du changement
Cet article fait partie du rapport de l’UpM: Visions and actions to promote gender equality in the Mediterranean
J’ai toujours trouvé admirable l’élan qui, depuis 2006 et la première conférence ministérielle euro-méditerranéenne à Istanbul sur le « rôle des femmes dans la société », a amené à ce que la préoccupation d’une juste participation des femmes à la vie économique de leur pays devienne peu à peu centrale au point d’être aujourd’hui un des domaines prioritaires de l’Union pour la Méditerranée. Cette montée en puissance illustre la prise de conscience progressive de cette évidence qui pourtant devrait sauter aux yeux de tous : on ne fait pas progresser un pays en laissant de côté la moitié de sa population.
Le coût des inégalités femmes-hommes est connu et même quantifié : alors que le taux de participation à l’économie rémunérée des femmes stagne autour de 50% depuis les années 1990 et que des discriminations légales contre les femmes persistent dans 155 pays, la réduction des inégalités conduirait à une hausse de plusieurs milliards de dollars du PIB mondial.
L’égalité entre les femmes et les hommes est, chacun le reconnait, un facteur clé dans les schémas de sortie de crise et pour stabiliser les Etats fragilisés par un conflit.
Plus fondamentalement, comme le Président de la République Emmanuel Macron l’a rappelé à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre « c’est un combat de civilisation profond, c’est notre combat, ce sont nos valeurs et elles ne sont pas relatives, elles sont éminemment universelles sur tous les continents, toutes les latitudes ».
[ufm_quote]”Le coût des inégalités femmes-hommes est connu et même quantifié : alors que le taux de participation à l’économie rémunérée des femmes stagne autour de 50% depuis les années 1990 et que des discriminations légales contre les femmes persistent dans 155 pays, la réduction des inégalités conduirait à une hausse de plusieurs milliards de dollars du PIB mondial..”[/ufm_quote]
La persistance d’inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes apparait pour ce qu’elle est : un immense gâchis de talents. Alors qu’attendons-nous pour faire place aux femmes dans la vie économique et promouvoir le leadership féminin comme moteur du changement ?
Au fil de ma carrière sur les cinq continents, comme diplomate, directrice de l’ENA puis comme ministre, j’ai souvent eu l’occasion de m’interroger sur le leadership féminin. Plus l’on s’élève dans la hiérarchie de son organisation, plus l’on est appelé à recruter et promouvoir des collaboratrices et des collaborateurs, et plus l’on s’aperçoit que les qualités intrinsèques prêtées aux femmes manager ne sont pas tant des qualités « féminines », avec tous les préjugés et clichés que cela comporte, que des qualités de nouveauté. Si les femmes n’ont pas, en tant que telles, de qualités particulières, elles ont la particularité d’être encore minoritaires, d’être nouvelles venues dans nombre de métiers ou de responsabilités, et donc de questionner ce qu’elles rencontrent, d’apporter une capacité d’étonnement, qui est souvent une capacité de progrès.
C’est en cela que les femmes sont des vecteurs de changement. En œuvrant pour développer l’autonomisation des femmes, l’UpM joue un rôle fondamental qui répond profondément à sa vocation : rassembler sans exclusivité de part et d’autres de la Méditerranée, libérer les énergies, nous permettre de progresser ensemble autour de projets concrets. Je veux saluer l’action menée dans ce domaine par le Secrétaire général Fathallah Sijilmassi ainsi que par Delphine Borione, qui vient de quitter Barcelone, qui a permis la labellisation de projets comme « Femmes d’avenir en Méditerranée » qui vise à constituer un réseau de femmes leaders ou « Compétences au service de la réussite » pour les femmes défavorisées et sans emploi. J’ai la conviction profonde que ce sont ces approches concrètes, au plus près du terrain, qui développent les capacités, encouragent la dissémination des bonnes pratiques et font réellement, petit à petit, changer les choses.
Faire progresser la place des femmes dans la vie économique, ce n’est pas une lubie de pays n’ayant pas d’autres problèmes plus urgents à régler. Ce n’est pas non plus un domaine où quiconque puisse pavoiser.
En France, l’égalité entre les femmes et les hommes a été consacrée « Grande cause nationale » par le Président de la République pour la durée du quinquennat. Cela a pu surprendre certains, alors que tant d’avancées ont été réalisées en matière d’égalité, certainement pas ceux qui suivent de près ces sujets et encore moins ceux qui s’intéressent de près à l’Europe et constatent que nous ne sommes pas en avance.
C’est ce regard lucide qui a conduit le Premier ministre à lancer le 4 octobre une vaste opération « Tour de France de l’Egalité » pour faire progresser l’égalité des droits mais aussi assurer l’égalité dans les faits. J’y participerai aux côtés de la Secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, qui anime ce Tour de France, comme je participerai en novembre à la Conférence qu’organise l’UpM au Caire. C’est une bataille du quotidien que nous menons, une bataille sans haut fait d’armes et sans médailles, mais avec ses héroïnes, toutes ces femmes qui repoussent jour après jour les limites qu’on leur a imposées pour prendre toute leur place dans le développement de leurs pays et les transformer en profondeur. Je suis fière que nous soyons à leurs côtés.

Nathalie Loiseau, Ministre des Affaires étrangères de France
Entrée au ministère des Affaires étrangères en 1986, elle a notamment servi à la direction de la communication et de la presse, à la direction d’Asie et à la direction des Nations unies. Elle est nommée et titularisée dans le corps des ministres plénipotentiaires le 1er octobre 2012.
Elle a servi en qualité de conseiller technique au cabinet du ministre des affaires étrangères de 1993 à 1995. Elle a également été affectée à Jakarta (1990-1992), Dakar (1995-1999), Rabat (1999- 2002), et en qualité de chef du service d’information et de presse à l’ambassade de France à Washington, d’août 2002 à juillet 2007. Sous-directrice d’Afrique du Nord (2007-2008), elle fut ensuite directrice adjointe d’Afrique du Nord et du Moyen- Orient au Quai d’Orsay (2008- 2009).
Directrice des ressources humaines au ministère des Affaires étrangères et européennes (2009- 2011), et en novembre 2011 directrice générale de l’administration et de la modernisation au ministère des Affaires étrangères.
Nathalie Loiseau a été nommée directrice de l’École Nationale d’Administration le 3 octobre 2012, poste qu’elle a occupé jusqu’en juin 2017.is the French Minister in charge of European Affairs since 2017. She is a graduate of the Institute of Political Studies of Paris and INALCO.